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L’oignon doux, joyau des Cévennes
oignon doux des Cévennes
Terre et mer

L’oignon doux, joyau des Cévennes

Relancé dans les années 80, l’oignon doux des Cévennes est un moteur de l’économie du versant méridional cévenol. Il se cultive de la haute vallée de l’Hérault au coeur de l’AOC entre le Vigan et l’Aigoual dans le Gard. Et il s’inscrit parmi les success stories régionales.

Avec quelques lopins de terres, Richard Fesquet s’est installé à Sumène comme jeune agriculteur en 1997 pour cultiver l’oignon doux avec son frère. Au sud du territoire dans l’actuelle vallée du Rieutord, ses parcelles plus sèches et aérées réunissent alors les conditions idéales pour les faïsses. En patois, on parle aussi de bancels pour désigner ces terrasses bordées de murs en pierres sèches où se cultivent vergers et oignons.

Des registres datés de 1409 évoquent le paiement d’une dîme sur la production vivrière d’un oignon cévenol. Ces documents attestent de l’ancienneté de cette culture dans les Cévennes. Le bulbe appelé rayolette a connu un certain regain dans les années 50 lorsque l’industrie de la soie a été renversée par celle de la rayonne. Les mûriers ont alors été décimés au profit des vergers puis de l’oignon.

Le réveil de l’oignon doux

Fin des années 80, une poignée d’hommes du pays cévenol s’étaient mis à y croire : Pierre Pralon, André Fesquet, Nicolas Escand, Bruno Ruas, Didier Sauret et un certain Francis Huguet. Ce coiffeur de Montpellier retapait alors le mas de la Rouvierette à Saint-André-de-Majencoules.

Ce village comme celui de Saint-Martial, est emblématique de l’oignon doux. Avec Bruno Ruas, le fils du maire, le voilà initié à la culture du bulbe cévenol. Entre deux coups de ciseaux, le coiffeur remet en état 5000 mètres carrés de faïsses en zone de montagne. 

Devant l’engouement de Francis Huguet pour cette plante potagère, beaucoup l’ont soutenu. A commencer par l’ancien maire et président de région Georges Frêche qu’il coiffait, ou le préfet Jean-Yves Bentegeac. Mais l’engouement ne s’arrête pas là. Le coiffeur fonde l’association La Faïsse, avant de mettre au point une stratégie marketing :

« La culture de l’oignon était un trésor mais restait d’une grande pénibilité. Il fallait évoluer, faciliter l’irrigation, secouer le négoce et communiquer. »

Un budget de 130 000 francs obtenu, il charge l’agence parisienne Abordage de créer un logo, des outils de promotion et un packaging innovant. Une campagne d’affichage s’ensuivit pour cet oignon. Et désormais, il sera vendu sous la marque Doux Saint-André. 

Dans cet élan, une fête annuelle voit le jour à Saint-André-de-Majencoules. Non content d’avoir sorti l’oignon doux des Cévennes de l’anonymat, Francis Huguet imagine que d’autres produits du terroir cévenol pourraient être fédérés par la marque.

Contre toute attente, l’oignon doux des Cévennes d’abord relancé sur les communes de Sumène, Vallerogue et du Vigan fait relever la tête aux paysans cévenols. Puis des marchés se sont ouverts en Belgique, chez Fauchon, à Rungis.

En 1990, la production de Doux Saint-André atteint 1500 tonnes. Même la grande distribution s’y intéresse. Et le prix grimpe pour avoisiner les 6 francs le kilo. Dès 1991, la coopérative de Saint-André-de-Majencoules est créée. Jérôme Fesquet, l’actuel président de la coopérative Origine Cévennes, se souvient :

«Claude Boissière, producteur-négociant d’oignons doux des Cévennes, a mis son portefeuille client à disposition de la coopérative. Il en a longtemps été le seul salarié contre une vingtaine d’équivalents temps plein aujourd’hui. »

La mobilisation d’un territoire

« La filière s’est construite autour de la coopérative Origine Cévennes. L’histoire a démarré avec 30 producteurs contre 70 aujourd’hui, 108 avec les producteurs indépendants. Le syndicat de défense a été fondé en 1996 afin de protéger cette culture qui sans cela, aurait disparu. »

L’AOC en 2003 puis l’AOP en 2008 allaient donner un nouvel élan qualitatif à l’oignon cévenol. Un travail d’identification parcellaire délimite alors l’aire géographique au sud du massif de l’Aigoual.

Le nouveau logo de l'oignon doux des Cévennes
Le nouveau logo de l’oignon doux des Cévennes

« En 1991, la coopérative ne produisait que 400 tonnes contre 2500 tonnes actuellement soit 75% de la production totale. L’oignon doux des Cévennes est le moteur économique du Val-d’Aigoual, principalement des communes de Sumène, Saint-André-de-Majencoules et Mandagout.  » 

Cultivé dans la haute vallée de l’Hérault, la vallée du Rieutord, la vallée viganaise et du Val-d’Aigoual, l’oignon doux des Cévennes s’étend aujourd’hui sur 30 communes. Mais il s’exporte aussi, précise Jérome Fesquet, président de la coopérative Origine Cévennes.

Bien que d’abord commercialisée à l’échelon régional, 10% de la production est exportée au nord de l’Italie. « Nous vendons 60% d’oignons doux en Grandes et Moyennes Surfaces (GMS), 30% sur des marchés d’intérêts nationaux dont 10% à Rungis, un des marchés traditionnels qui se porte le mieux. »

Une constante volonté d’adaptation

Sur ces terres de résilience cévenoles, une farouche volonté de s’adapter habite le coeur des hommes. Une dizaine de producteurs d’oignon doux sont engagés avec le Collectif Nouveaux Champs. Leur démarche vise le zéro résidu de pesticides.

Treize pour cent de la production est déjà certifiée afin de répondre aux attentes du consommateur. Pour accéder au label bio, des expérimentations sont menées sur le désherbage avec le parc national des Cévennes. La coopérative emploie une ingénieur(e) agronome qui conduit et anticipe ces travaux.

Depuis peu, un producteur d’oignons doux bio est entré dans l’appellation. Et ces efforts d’adaptation permettent de faire face à la concurrence. Car d’autres oignons doux sont cultivées en Occitanie :

  • La cèbe de Lézignan dans l’Hérault
  • La cèbe de Toulouges autour de Perpignan
  • La cèbe de Citou au pied de la Montagne Noire
  • La cèbe de Cassagnoles dans le Haut Minervois
  • La cèbe de Trébons dans le Gers 

Certains oignons sont commercialisés frais au début de l’été. Puis l’oignon doux des Cévennes est ramassé fin août. Il est vendu sec sur les étals de septembre à mars. Des oignons doux sont encore produits dans le Var et la vallée du Rhône. Et surtout, la concurrence espagnole est vive.

Une AOP dynamique

En 2020, la coopérative Origine Cévennes dispose d’un budget communication de 70 000 €. La structure de mise en marché modernise sa charte graphique. Elle soigne donc son image.

L’oignon doux des Cévennes sera mis en avant lors du passage du tour de France 2020. Avec une moyenne d’âge de 49 ans, l’AOP reste très dynamique.

Sur 95% des exploitations agricoles cévenoles, l’oignon doux reste l’atelier principal. L’AOP pourrait s’agrandir, les terrasses ne manquent pas et valorisent le paysage. Pour s’installer, il faut du bâti et des terres.

Bénéficier des aides à l’installation nécessite :

  • d’avoir moins de 40 ans
  • d’avoir un Brevet professionnel de responsable d’exploitation

Quelques installations de jeunes se profilent hors cadre familial. Pourtant, la majorité des projets sont des reprises ou des mises à disposition de foncier. Sur les contreforts sud des Cévennes, l’AOC pourrait encore accueillir quelques néo-paysans.

Textes et photos de Christelle Zamora,

Cet article est extrait d'un reportage paru dans l'hebdomadaire La Gazette de Nîmes du 24/12/2019. 
Puis dans La Gazette de Montpellier, n°1646, du 2/01/2020.
Recettes sur l'oignon doux des Cévennes par ici


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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