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La vanille, or brun des Tropiques
Vanille Bourbon
À Table - Terre et mer

La vanille, or brun des Tropiques

À La Réunion, la vanille se cultive de Saint-André à Saint-Joseph. Dans la partie Est de l’île, elle est majoritairement produite par deux coopératives. Deux producteurs indépendants maîtrisent cette culture parmi les plus coûteuses au monde. 

La principale variété de vanille cultivée se nomme Vanilla Planifolia. Et il n’existe que trois variétés cultivées au monde avec celles d’Afrique et de Polynésie. La Vanille Bourbon cultivée dans l’océan indien n’a pas d’appellation d’origine, elle est originaire d’Amérique centrale. Le label Vanille Bourbon n’est attribué qu’à la variété Vanilla Planifolia produite à Madagascar, l’île Maurice, Mayotte, aux Comores, et sur l’île de la Réunion. 

À Tahiti, la vanille de Polynésie française est de la variété de la Vanilla Tahitensis. Mais elle se fait plus rare que la vanille Bourbon. En Afrique, la culture de la vanille se développe désormais, comme c’est aussi le cas en Chine dans une moindre mesure. Il existe déjà depuis longtemps un Business chinois de vanille à Madagascar (voir le documentaire en fin d’article).  

Une variété de vanille africaine

Une variété de vanille africaine présentant des gousses beaucoup plus grosses que les standards de la vanille Bourbon. 

Une plante hermaphrodite

Si au Mexique, il existe une abeille qui pollinise naturellement l’orchidée à l’origine de la gousse de vanille, cet animal n’existe pas ailleurs. Cela permit au Mexique de conserver un monopole durant deux siècles. Là-bas, l’abeille Mélipone, une espèce endémique, permet la fécondation. Car la fleur de vanille est hermaphrodite. En l’absence de cette espèce d’abeille, il a fallu trouver un autre moyen de féconder la fleur pour donner le fruit.

La fleur de vanille est une orchidée

La fleur de vanille est une orchidée, elle donnera une gousse, son fruit si elle est fécondée. 

Le naturaliste Charles Morren en 1836, puis l’horticulteur français Joseph Neumann un an plus tard, ont fini par découvrir le procédé. À La Réunion, la vanille a été introduite en 1819 par Louis XIV. D’abord les botanistes ne comprenaient pas comment cette orchidée pouvait donner des fruits sur les terroirs d’Outre Mer. 

Un jeune esclave réunionnais du nom d’Edmond Albius a compris comment polliniser la fleur en 1841. Il découvre alors que chaque fleur pollinisée peut donner une gousse. Mais la fleur ne dure que quelques heures. Le temps est compté pour effectuer cette opération manuelle. Toujours employée, c’est la seule méthode de pollinisation.

Une culture précieuse et longue

Depuis le plantation des lianes et la mise en place des tuteurs vivants ou artificiels, il faut deux bonnes années pour produire de la vanille. Car la vanille n’est pas une plante parasite mais elle vit grâce à une autre plante. Elle a besoin d’un tuteur. Son coût de production restant très élevé, peu de producteurs maitrisent entièrement le process.

Certains la cultivent mais laissent à la coopérative le soin de sa préparation. La Réunion compte deux coopératives de vanille. À elles seules, elles regroupent une centaine de producteurs. Bras-Panon et La Vanilleraie de Sainte-Suzanne représentent environ 80% de la production de l’île. 

Un prix exorbitant

À La Réunion, 3 gousses valent 10 euros pour le consommateur. 8 gousses de Vanille Bourbon se dénichent autour de 30 euros chez un producteur indépendant. Même s’il s’agit là d’une vanille de qualité, les prix sont tellement élevés que la gastronomie s’en désintéresse. Reste la manne du tourisme. Ces terres d’accueil souvent marquées par la pauvreté font de l’agri-tourisme une valeur forte. Et une source de revenu. De 3 à 8 euros ,  le prix de la visite peut paraître exorbitant au touriste qui fera de surcroît ses achats sur place.

Selon l’AFP, en décembre 2016, 50 gousses de vanille valaient 35 euros. Si j’applique les prix actuels sur l’île de La Réunion, 50 gousses se vendraient aujourd’hui de 150 à près de 187 euros. Mais c’est Madagascar qui est devenu le principal producteur au monde où les prix avoisineraient les 500 euros le kilo. Toutefois, le cours de la vanille est fluctuant selon les années. Selon sa qualité et la rareté de la production, le cours de la vanille peut monter au-delà de 1000 euros le kilo, prévient un producteur. 

Alors à ce tarif là, mieux vaut être regardant sur la qualité ! Car la vanille dépasse le prix de l’argent (1 kilo d’argent vaut environ 450 euros) ! Alors les marchés proposent de le vanille de basse qualité importée  et séchée au soleil sans précaution. Parfois elle est trempée dans l’eau pour être réhydratée. Cette vanille mal préparée peut alors moisir.

On trouve aussi sur les marchés de la vanille trop sèche. Le parfum en est médiocre. Lorsqu’au fil du temps, la vanille moisit ; c’est le signe d’une mauvaise préparation des gousses. Les gousses non emballées présentées sur les marchés sont souvent de piètre qualité. Même celles sous-vide sont parfois trompeuses. Mieux vaut l’acheter chez le producteur. 

Des qualités recherchées 

  • Pour commencer, il faut éviter tous les produits aux arômes de vanille vendus en grande distribution. Ce sont des arômes de synthèse. Mieux vaut y préférer des extraits aux arômes naturels de vanille.
  • En principe, la vanille Bourbon est chauffée à 62°C pour être stérilisée. Ensuite, elle est séchée longuement à l’air libre. Disons durant plusieurs mois (2 à 3 ans, le cycle de production est long).
  • Mais, il se développe actuellement un autre style de vanille dite « Bleue ». On pourrait dire crue. C’est le nec plus ultra du marché actuel. Elle s’inscrirait donc dans le mouvement de la Raw Food. Elle n’est pas chauffée. Et pas davantage déshydratée. De surcroît le parfum de cette vanille se bonifie dans le temps. Un brevet a été déposé, qui utilise un processus de séchage plus long que celui de la Vanille Bourbon standard. C’est la Rolls de la vanille réunionnaise. 
  • Le prix est en conséquence bien plus élevé. Compter 7-8 euros la gousse. De surcroît, la vanille bleue peut se millésimer comme un vin. Son élevage d’au moins 3 ans lui donne un nouvel attrait. Enfin, elle est entièrement comestible. C’est ce qui la différencie de la vanille Bourbon standard. En plus de son aspect visuel plus charnu.
    La vanille bleue

    La vanille bleue sur table de séchage, cette catégorie a au moins trois ans d’âge. Le procédé est breveté depuis 2011. Cette épice révolutionne la préparation de la vanille, de surcroît 100% comestible et vivante, elle n’est pas stérilisée, le restaurant étoilé La Table de Saint-Crescent à Narbonne en région Occitanie, travaille la fameuse vanille bleue de la Réunion dans ses desserts. 

  • Lorsque la vanilline prend le forme de cristaux de sucre, cela est un gage supplémentaire de qualité. La vanille dite cristallisée est très recherchée en gastronomie. Cela pour son parfum exceptionnel. En raison de sa rareté, cette vanille est la plus chère au monde. 
  • Par conséquent, si votre vanille cristallise, ne la jetez pas. Ce n’est pas un défaut. Et le meilleur moyen de conserver vos gousses sera de les placer dans un contenant en verre. 

L’industrie agroalimentaire

La Hollande en a fait l’annonce. Le pays de la tulipe va produire de la vanille industriellement. Déjà, la vanille de synthèse vendue en grande distribution est vendue en plus grande quantité que la vanille naturelle. Ainsi, la Hollande expérimente un procédé de culture sous serre. Le progrès du hors sol ne s’arrête pas…

Alors si la vanille transgénique est interdite en Europe, l’expérimentation y est encouragée. Recréer, imiter pour mieux exploiter, la vanille sera-t-elle victime de son succès ? Cette vanille néerlandaise nommée Nethervanilla serait une parade à la montée des prix. Sa culture plus intensive préfère le procédé de la chambre climatique au séchage naturel au soleil.

Le mérite en reviendrait à Filip Van Noort (vidéo ci-dessous), botaniste à l’Université d’agronomie de Waseningen parmi les Universités les plus performantes au monde. 

Quant à Madagascar, le business chinois s’y développe depuis longtemps déjà :

 À Lire : 

Christelle Zamora, Photos ©BonBecBohème

Reportage du 30 octobre 2018


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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