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Interview, Jérôme Philipon : « Bollinger est le plus british des champagnes »

Interview, Jérôme Philipon : « Bollinger est le plus british des champagnes »

À la direction de Champagne Bollinger depuis bientôt dix ans, Jérôme Philipon nous livre son expérience, son attachement et ses occasions de consommation de champagne. Il nous parle de l’agent secret James Bond. Et nous donne sa vision de la distribution et des marchés de Champagne Bollinger.

Quel souvenir gardez-vous de votre première gorgée de Champagne Bollinger ?

J’étais en classe de seconde au collège Saint-Joseph à Reims. À la fin de l’année Mr et Mme Bizeau avaient pour habitude d’inviter tous les élèves en classe avec leurs enfants. J’avais 14 ans et à la fin du repas, ils nous ont offert une coupe de champagne. Ayant reçu une éducation stricte, je n’en avais encore jamais bu. J’ai gardé le souvenir d’avoir franchi un interdit plutôt que d’avoir fait une expérience gustative. C’est donc la mémoire de cette transgression qui m’est restée.

Votre attachement à la Champagne est-il seulement lié à la Maison Bollinger ?

Je suis originaire de la Champagne en ce sens que ma famille est originaire du sud de la Picardie. Mes parents étaient agriculteurs à 60 kilomètres de Reims. Dans les petits villages, il était traditionnel que les garçons soient pensionnaires. J’ai donc côtoyé très jeune les Champenois. J’ai baigné dans ce milieu de la 6e à la terminale. Mon arrière grand-père était négociant en vin de champagne à la fin du XIXe siècle, mais il n’a pas conservé cette activité.

Quel est votre souvenir personnel le plus marquant lié à Champagne Bollinger ?

Je me suis toujours intéressé au champagne et au vin. D’abord comme consommateur, ensuite parce que j’ai monté des clubs de dégustation. J’ai aimé le champagne Bollinger bien avant d’entrer dans cette maison. J’ai passé douze ans en Asie pour des multinationales. La possibilité d’acheter du champagne Bollinger était limitée. Je connaissais les aéroports où en trouver et à quels prix. Un jour, je m’entretenais avec une personne à ce sujet sans savoir qu’il s’agissait du président de la holding Bollinger. C’était en 2000, j’ai été recruté 7 ans plus tard.

Avez-vous des accords mets-champagne favoris avec les cuvées Bollinger ?

J’expérimente personnellement le champagne Bollinger avec des fromages à pates pressées. Un beaufort, un vieux comté avec une salade et un champagne Bollinger, c’est merveilleux. La fraîcheur des cuvées Bollinger s’accorde bien avec le gras et le salé de ces fromages. J’apprécie le Spécial Cuvée Rosé sur une assiette de sushis ou de sashimis. Sur une belle poilée de gambas à la thaï, une Grande Année Rosé est un plaisir. Bien sûr, il y a plus traditionnel avec de la truffe ou le gibier. Mais, un Spécial Cuvée à une telle étoffe qu’il s’accorde avec délice à un camembert ou à un brie de Meaux.

L’accord de Champagne Bollinger et de James Bond est-il une question de style ?

Oui, cela pour de nombreuses raisons. C’est à la fois un mariage heureux et naturel. C’est un des fondamentaux de la marque qui sonne juste. La famille Broccoli, producteurs de James Bond, nous a choisi parce que Bollinger est le plus anglais des champagnes. Aujourd’hui encore, nous réalisons 30% de notre chiffre sur ce marché. La raison est historique. Champagne Bollinger est référencé depuis 1884 à la cour d’Angleterre et James Bond est au service de sa majesté. Bollinger a conservé le Royal Warrant depuis cette date de manière ininterrompue. Très british, le champagne de la Maison Bollinger correspond au personnage de James Bond. Cette relation affectueuse perdure car nous ne l’avons jamais galvaudée. Nous avons lancé une cuvée pour Skyfall mais ce n’est pas systématique. Ce partenariat est aussi chic que fantastique.

Quelle est, selon vous, la mise en scène idéale d’un champagne Bollinger dans un film de James Bond ?

Il est vrai que les occasions de consommation du champagne tournent le plus souvent autour d’une fête, une célébration ou une scène de séduction. Dans les films de James Bond, il s’agit le plus souvent d’un moment sensuel accompagné de ce filtre d’amour extraordinaire qu’est Champagne Bollinger. Mais c’est trop classique pour moi. La scène idéale, c’est lorsque James Bond commande un Bollinger Grande Année 1969 au Jules Verne à Paris. Cette scène résume tout le raffinement de Bond. Dans Spectre, il subtilise l’Aston Martin DB10 et laisse en signature un sceau à champagne avec une bouteille Bollinger. Voilà un très joli clin d’œil.

Où est distribuée la marque Bollinger dans le monde ?

Bollinger aujourd’hui, c’est environ 85% des ventes à l’export. Nettement plus que la moyenne des ventes de champagne située entre 48% et 52%. De surcroît, Bollinger est distribué dans plus de 100 pays. La diffusion est très large avec une forte présence en Angleterre et dans les pays ex-Commonwealth, en Australie et en Nouvelle Zélande.

Quels sont les marchés historiques de la Maison ?

Ces 10 dernières années, les marchés Bollinger ont été développés dans les pays émergents du luxe. Champagne Bollinger a battu des records en 2015 dans les pays à forte tradition culturelle du vin. L’an dernier, Champagne Bollinger a connu des records historiques en Espagne et en Italie. Dans ces pays, la bulle continue à se développer de façon remarquable. Les marchés se sont aussi étendus en Chine et au Japon. Et surtout, nos champagnes ne sont pas dépendants des effets de mode.

Quelles seront les zones de développement des prochaines années ?

Sur plusieurs de nos cuvées, nous sommes en allocation. Nous sommes contraints de faire des arbitrages sur les pays que nous souhaitons développer. Il faut tenir compte des modes de consommations nouveaux, notamment au Japon et en Chine. Nos marchés sont davantage européens et l’Asie du Sud-Est est encore timide en termes de consommation. Des développements auront sans doute lieu en Europe du Nord, notamment en Finlande, un pays de connaisseurs.

Propos recueillis par Christelle Zamora – Photo de David Merle, exposition été 2016, Paris


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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