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Le cinsault, dégustation comparative
le cinsault
Choses bues - Languedoc Occitanie - Vins

Le cinsault, dégustation comparative

Proposer en dégustation comparative des cinsaults du Languedoc et du Liban vinifiés en rouge est une initiative de Wine Mosaic au cours de Vinisud. Et cette idée a de quoi plaire aux plus oenophiles d’entre nous. Mais aussi aux plus militants. À ceux de la vinodiversité. 

Allez savoir pourquoi certains cépages ont une réputation légère ? Ils sont réservés aux vins estivaux, ceux que l’on boit sous la pinède. Au Sud. On les considère comme des vins vulgaires. Car le cinsault est aujourd’hui plus communément vinifié en rosé frivole ou de gastronomie. Pourtant, il se cultive de Nice à Perpignan. Et la France en est le premier producteur car il est aussi souvent assemblé dans les rouges de Provence et de Méditerranée.

Mais il faut désormais compter sur des exceptions d’élevage en monocépage. Notamment dans le Languedoc ou au Liban. Et deux domaines illustrent cette tendance encore exceptionnelle : le Clos Saint Thomas au Liban et le Clos Centeilles au coeur de l’AOC Minervois La Livinière, dans le Languedoc. Patricia Boyer-Domergue a cultivé ses premières vignes de cinsault et de carignan dans les années 90. Dans de la documentation du XVIIIe siècle, elle découvre alors que le cinsault était de ces vins élégants.

Raison pour laquelle, elle décide de le vinifier à part. D’ailleurs, aujourd’hui, cette vigneronne cultive vingt-trois cépages sur douze hectares. En véritable tête chercheuse du vignoble, elle peut s’enorgueillir d’avoir fait revivre la réputation de quatorze cépages autochtones. Pour cela, elle a réalisé ses propres sélections massales. Et mis-à-part le cinsault, Patricia Boyer-Domergue a replanté de la clairette rose et du piquepoul gris. Dans son vignoble, elle a même un des treize cépages de Châteauneuf-du-Pape, un piquepoul noir dont il ne restait que 1 hectare 27 sur ladite appellation du Rhône. Sur le mode de culture, le domaine est de la catégorie raisonnée.

Et sur la taille, cette vigneronne mélange la lyre et le gobelet au cordon de Royat. « C’est que mes dernières plantations en lyre m’ont coûté une petite fortune », remarque-t-elle. « Mais il faut bien avouer que dans le Languedoc qui est surtout pluvieux lors des vendanges, la taille en lyre permet une gestion de l’eau sans stress. Surtout qu’avec ma fille, nous ramassons chaque cépage séparément et parfois en octobre, à maturité. »

ClosCenteilles-ClosSt-Thomas©BonBecBohème

Au Liban, c’est une autre histoire. Jo Assad Touma est vigneron au Clos Saint Thomas et ses cinsaults y sont cultivés à une altitude plus élevée que ceux de Clos Centeilles. Entre 900 et 1400 mètres contre 2 à 300 mètres pour le Clos Centeilles. Sans doute, est-ce ce qui fait la différence d’évolution des vins à millésimes identiques. À la dégustation, 3 millésimes : 1998, 1999 et 2000 pour 6 vins. Et ce qui peut encore faire la différence, c’est aussi une plus grande amplitude des températures. Au Liban notamment, avec des écarts de 20°C entre la nuit et le jour en été.

Au Liban, le vignoble a été implanté par les Jésuites il y a environ cent cinquante ans. Dans ce petit pays situé entre Chypre et la Syrie, les vignobles se déploient dans la vallée de Bekaa, la partie orientale du pays. Aujourd’hui une petite quarantaine de vignerons y travaillent. Et ces producteurs de vins ont été multipliés par quatre en dix ans. L’introduction du cinsault par les Jésuites date seulement des années 60. Si bien qu’entre 1965 et 1975, les plantations sont passées de 1 ha à 20 ha. Et jusque dans les années 90, marquantes pour l’introduction des cépages internationaux, le cinsault était seul vinifié en rouge. 

Sur le millésime 2000 du Clos de Saint Thomas, on a aimé les notes de pruneaux, tabac, de fruits secs et cacao. Des notes d’évolution mais un joli fumé en bouche et une bonne persistance. La cuvée Les Capitelles 2000 du Clos Centeilles cultive aussi ce côté fruit sec, pruneaux, abricot sec. D’une structure plus tannique, ce vin a moins évolué. Peut-être une question de température, d’exposition, de sol et de climat. 

Sur le millésime 1999, le Clos de Saint Thomas est davantage sur le cerise confite, fumé avec de la fraîcheur. Aucun passage en bois cependant. Sur ce même millésime, La Capitelle du Clos Centeilles est un vin riche et chaud, avec une attaque douce, en finesse. Des arômes de pruneaux, d’épices et de fruits secs annoncent une belle matière. Enfin, sur le millésime 1998, la cerise, le kirch, le poivre et les épices dominent. Un vin bien droit dans ses bottes sur l’élégance. Du côté du Clos Saint Thomas, ce millésime est aussi le plus réussi. Des trois millésimes, le plus apprécié a été celui de 1998.

Christelle Zamora – Photos ©BonBecBohème


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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