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L’Irqualim interpelle le Commission Européenne sur le Nutri-Score
Irqualim et le Nutri-Score
À Table

L’Irqualim interpelle le Commission Européenne sur le Nutri-Score

L’Institut Régional de la Qualité Agroalimentaire d’Occitanie juge le système d’étiquetage du Nutri-Score inadapté aux produits fermiers. L’ outil détourne le consommateur de produits traditionnels au profit de produits alimentaires ultra-transformés. Et dont la recette a pu être adaptée aux critères de notation.

En Occitanie où l’on compte 247 signes de qualité sans compter ceux en cours d’agrément… On crie au scandale ! A la triche ! En 2016, la réglementation européenne a rendu obligatoire l’apposition d’une information nutritionnelle sur les denrées alimentaires préemballées. Et dans le cadre de la Loi Santé de 2016, la France a choisi comme représentation graphique : le Nutri-Score

Le Nutri-Score met le bonnet d’âne aux signes de qualité

Dans une lettre, les présidents et vice-présidents de l’Irqualim Jean-Louis Cazaubon et Jacques Gravegeal interpellent les députés de l’Occitanie sur ce dispositif qui concerne la totalité des produits du terroir :

« 6 Français sur 10 déclarent choisir leurs produits en fonction du Nutri-Score et c’est une catastrophe annoncée, car il s’agit d’un marketing punitif inadapté à nos produits. » Jean-Louis Cazaubon et Jacques Gravegeal

Depuis son entrée en vigueur en 2017, le Nutri-Score condamne les artisans du goût et les produits du terroir. Une partie du savoir-faire français. Et même du made in France. Alors que plus de 40% de la production de l’Occitanie est sous signes de qualité, l’ensemble des acteurs de la production pointe du doigt l’incohérence de ce système de notation. Car le Nutri-Score classe B un soda light (ultra-transformé et possiblement sucré à l’asparthame) en meilleure position qu’un jus de fruit Bio fermier sans additifs classé C

Classer A les produits fermiers sous labels de qualité

L’Irqualim invite à prendre la mesure de ce qui se cache derrière ce Nutri-Code sensé donner une information nutritionnelle au consommateur. Cet outil serait à repenser car les produits agro-alimentaires ne sont pas tous comparables. Cela d’autant qu’en Occitanie, la filière regroupe 165 000 emplois. Ces productions agricoles font vivre le territoire entier.

« Pour empêcher cela, il faudrait classer A l’ensemble des denrées alimentaires produites sous signes de qualité puisque le Nutri-Score n’est pas adapté à ces productions » Jean-Louis Cazaubon

L’ensemble de la filière agro-alimentaire pointe aussi du doigt la mesure quantitative de cet outil qui mesure sur 100 g les produits alors qu’une portion de fromage est de 30 g. 

Sans compter qu’il devient compliqué d’exporter un produit dont le Nutri-Score serait mauvais. En témoigne celui du Roquefort, la plus ancienne AOP fromagère et la deuxième en tonnage en France. Sur une production de 16 100 tonnes, un quart part à l’export. Ces productions risquent de voir leur image ternie, alors qu’elles représentent l’excellence française.

Signes de qualité et Nutri-Score sont incompatibles

« Pour produire du Roquefort, on utilise du lait entier et du sel. Si on suit la logique du Nutri-Score, il faudrait utiliser du lait écrémé. Mais aussi supprimer le sel. Et donc le remplacer par des conservateurs. C’est donc l’essence même de l’AOC qui serait mise à mal » Sébastien Vignette, pour les producteurs de Roquefort. 

Par conséquent, le consommateur risque de favoriser l’achat de marques industrielles bien notées au détriment de produits traditionnels moins bien classés. Et souvent meilleurs pour la santé.

« Dans nos signes de qualité, nous sommes obligés de garantir l’origine du produit, sa géolocalisation, de tenir compte de dispositions sur le bien être animal. Et à la sortie, nous sommes mal notés par le Nutri-Score » Pierre Cabrit, président de la filière Veau d’Aveyron et du Ségala.

La production de Veau d’Aveyron et du Ségala regroupe 494 fermes. Soit une production sous label rouge de 27 000 veaux en 2019.  Le pélardon produit sous AOC n’est pas épargné. Pour Frédéric Monod, directeur de la fromagerie des Cévennes, le Nutri-Score classe nos fromages en D, une aberration.

« J’ai peur que cela ne conduise à l’industrialisation de nos produits y compris ceux du terroir comme le pélardon car nos cahiers des charges nous interdisent de reformuler nos recettes » Frédéric Monod, directeur de la Fromagerie des Cévennes.

Tous s’interrogent de savoir comment des pratiques traditionnelles comme le moulage à la main, une matière première remarquable, peuvent conduire au bonnet d’âne. Les représentants de ces filières se disent prêts à défendre leur patrimoine gastronomique. Et par la même occasion le goût de la France. Sans oublier le repas gastronomique des Français, classé au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par l’Unesco. Son objectif ? Placer les pratiques culturelles et les savoir-faire traditionnels aux cotés des sites et monuments historiques.

Christelle Zamora


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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