Dans sa Revue semestrielle, la Bibliothèque Nationale de France présente un dossier sur la thématique de l’ivresse, dans son sens social et littéraire. Et cela sans ennui. Les articles très fouillés se lisent comme des voyages.
En témoignent, les déambulations littéraires dans les bars de Tokyo qui désignent la ville nippone comme capitale de l’ivresse. Le lecteur arpente l’histoire tout entière. De promenades dans les cafés de Paris à la prohibition de l’alcool. Le fil rouge en est le récit d’ivresses de toutes sortes. Des plus polies aux plus insolantes.
On y apprend ainsi que la Rome antique a cultivé l’ivresse jusqu’au raffinement. La question du « boire ensemble » y étant très prégnante. Le lecteur redécouvre les ivresses du Capitaine Haddock d’Hergé ou celles d’un Coluche au nez rouge. Ainsi, l’ivrogne endosse au fil des époques une identité sociale variable. Le discours aussi se forge. Tantôt favorable, anti-alcoolique, oenologique voire désormais éducatif.
Car notre société actuelle si elle veut éduquer la consommation, ne désire plus décrire les bienfaits du produit. Les modes et les discours changent, les vins restent, les histoires passent. La question de l’excès se calque dans la temporalité. Notamment, la représentation de ce seuil de tolérance qui butte sur les époques.
Qui des jeunes ou des vieux sont ceux qui boivent le plus ? Il n’est pas question de sondage. Et pour cause, ce ne sont pas toujours ceux qui sont les plus enivrés qui ont le plus bu. Alors buveurs vertueux à la romaine ou démoniaques à la Grecque – plutôt antique – sont-ils ceux du Binge drinking actuels ? Sans doute pas, ce comportement social se situe entre partage et compétition à boire.
Puis l’histoire s’attarde dans les cafés de Paris. Une époque où l’on buvait jusqu’à 7 litres par personne et par jour. Plutôt des vins titrant aux environs de 7°. Il faut néanmoins appréhender le Moyen Âge avec prudence. Car cette époque condamne l’ivresse tel un pêché capital. Longtemps réservée à l’aristocratie, l’ivresse est condamnée dans la Bible. Ainsi, l’ivresse de Loth conduit-elle à l’inceste.
Puis au XVIIIe siècle, la taverne devient l’antichambre de l’enfer. L’ivresse, cette tentatrice, invite aux transgressions de toutes sortes. Elle se lie même à la prostitution. Alors vient le temps de la répression. Fin XIXe, un ordre social et moral juge le café comme un haut lieu de subversion politique. Et il faudra attendre un nouvel ordre républicain pour lui redonner sa vigueur sociale.
Alors bien sûr, Bon Bec Bohème a relevé ce thème récurent de la femme au verre. Lequel illustre aussi ce site. Émancipée, moderne ou contemporaine, la femme au verre a été un sujet très exploré en peinture. Puis plus tard dans la photo. Et dans l’illustration. Pour ne pas dire enfin dans la publicité. Le vin apparait donc dans toutes ses dimensions.
Populiste, populaire, convivial ou non, il figure dans l’art et la poésie. À la fois vecteur et générateur de mots ou temple de l’oubli. Reste encore que la Belle Époque a condamné l’absinthe tout en magnifiant vin et champagne. De là vient une ivresse dite plus raffinée pour en finir avec le fléau social. Vient alors le temps de l’art de vivre. C’est tout le paradoxe des temps modernes. Ensuite, l’ivresse s’illustre dans la Bd. Puis la chanson rappelle à nous les poètes.
De ceux qui font de l’ivresse un dessein ultra-sublime quand d’autres en libèrent le spleen. En attendant, cet ouvrage est un excellent préambule à l’exposition « Scènes de café, de Baudelaire à Picasso ». D’abord ouverte à la Cité du vin à Bordeaux, l’exposition est programmée à Paris pour 2017. Et nous avons hâte.
Finalement, ces récits en oxymores font de l’ivresse tantôt un lubrifiant social, tantôt un cri d’exclusion. Comme le beau côtoie le laid, le dur et le doux, le grotesque et le grave, le subtil et l’effronté. Superbe réflexion donc que celle menée par ces chercheurs, écrivains, spécialistes des mots et de l’histoire, archivistes ou docteurs en civilisation.
Christelle Zamora
J’ai lu, j’ai bu, j’ai aimé, pas vous ?
Dans sa Revue semestrielle, la Bibliothèque Nationale de France présente un dossier sur la thématique de l’ivresse, dans son sens social et littéraire. Et cela sans ennui. Les articles très fouillés se lisent comme des voyages.
En témoignent, les déambulations littéraires dans les bars de Tokyo qui désignent la ville nippone comme capitale de l’ivresse. Le lecteur arpente l’histoire tout entière. De promenades dans les cafés de Paris à la prohibition de l’alcool. Le fil rouge en est le récit d’ivresses de toutes sortes. Des plus polies aux plus insolantes.
On y apprend ainsi que la Rome antique a cultivé l’ivresse jusqu’au raffinement. La question du « boire ensemble » y étant très prégnante. Le lecteur redécouvre les ivresses du Capitaine Haddock d’Hergé ou celles d’un Coluche au nez rouge. Ainsi, l’ivrogne endosse au fil des époques une identité sociale variable. Le discours aussi se forge. Tantôt favorable, anti-alcoolique, oenologique voire désormais éducatif.
Car notre société actuelle si elle veut éduquer la consommation, ne désire plus décrire les bienfaits du produit. Les modes et les discours changent, les vins restent, les histoires passent. La question de l’excès se calque dans la temporalité. Notamment, la représentation de ce seuil de tolérance qui butte sur les époques.
Qui des jeunes ou des vieux sont ceux qui boivent le plus ? Il n’est pas question de sondage. Et pour cause, ce ne sont pas toujours ceux qui sont les plus enivrés qui ont le plus bu. Alors buveurs vertueux à la romaine ou démoniaques à la Grecque – plutôt antique – sont-ils ceux du Binge drinking actuels ? Sans doute pas, ce comportement social se situe entre partage et compétition à boire.
Puis l’histoire s’attarde dans les cafés de Paris. Une époque où l’on buvait jusqu’à 7 litres par personne et par jour. Plutôt des vins titrant aux environs de 7°. Il faut néanmoins appréhender le Moyen Âge avec prudence. Car cette époque condamne l’ivresse tel un pêché capital. Longtemps réservée à l’aristocratie, l’ivresse est condamnée dans la Bible. Ainsi, l’ivresse de Loth conduit-elle à l’inceste.
Puis au XVIIIe siècle, la taverne devient l’antichambre de l’enfer. L’ivresse, cette tentatrice, invite aux transgressions de toutes sortes. Elle se lie même à la prostitution. Alors vient le temps de la répression. Fin XIXe, un ordre social et moral juge le café comme un haut lieu de subversion politique. Et il faudra attendre un nouvel ordre républicain pour lui redonner sa vigueur sociale.
Alors bien sûr, Bon Bec Bohème a relevé ce thème récurent de la femme au verre. Lequel illustre aussi ce site. Émancipée, moderne ou contemporaine, la femme au verre a été un sujet très exploré en peinture. Puis plus tard dans la photo. Et dans l’illustration. Pour ne pas dire enfin dans la publicité. Le vin apparait donc dans toutes ses dimensions.
Populiste, populaire, convivial ou non, il figure dans l’art et la poésie. À la fois vecteur et générateur de mots ou temple de l’oubli. Reste encore que la Belle Époque a condamné l’absinthe tout en magnifiant vin et champagne. De là vient une ivresse dite plus raffinée pour en finir avec le fléau social. Vient alors le temps de l’art de vivre. C’est tout le paradoxe des temps modernes. Ensuite, l’ivresse s’illustre dans la Bd. Puis la chanson rappelle à nous les poètes.
De ceux qui font de l’ivresse un dessein ultra-sublime quand d’autres en libèrent le spleen. En attendant, cet ouvrage est un excellent préambule à l’exposition « Scènes de café, de Baudelaire à Picasso ». D’abord ouverte à la Cité du vin à Bordeaux, l’exposition est programmée à Paris pour 2017. Et nous avons hâte.
Finalement, ces récits en oxymores font de l’ivresse tantôt un lubrifiant social, tantôt un cri d’exclusion. Comme le beau côtoie le laid, le dur et le doux, le grotesque et le grave, le subtil et l’effronté. Superbe réflexion donc que celle menée par ces chercheurs, écrivains, spécialistes des mots et de l’histoire, archivistes ou docteurs en civilisation.
Christelle Zamora
COMMENTS ARE OFF THIS POST