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L’élégance des terroirs de schistes
Un mur de schiste dans la vallée du Douro
Choses bues - En Europe - Vins

L’élégance des terroirs de schistes

Ce n’est pas pour rien que les grands terroirs de vins de porto sont faits de schistes. Les vignes y sont cultivées en terrasses comme sur le terroir méditerranéen de Banyuls. Un autre sol de schistes. Et la main de l’homme y est capitale. 

Et cela parce que ces terroirs de schistes sont si pauvres qu’ils lui demandent plus d’attention. Tandis que la vigne doit faire de grands efforts. S’il est un homme de science qui a étudié les sols schisteux du Languedoc, c’est Jean-Claude Bousquet.

Son ouvrage, édité par l’association Les écologistes de L’Euzière, fait d’ailleurs ici référence sur l’histoire des terroirs viticoles. C’est donc tout naturellement qu’il a apporté sa contribution a une dégustation organisée pour l’UDSF -Union de la Sommellerie Française- et l’association des terroirs de schistes au mas de Saporta, fief de l’AOP Languedoc à Montpellier.

Alors les schistes habitent le Languedoc depuis de lointaines années. Certains de ces terroirs sont situés sur des schistes de l’ère primaire. Il est possible de l’observer sur les AOP Faugères, Saint-Chinian, Fitou, Collioure, Banyuls ou les Terrasses du Larzac.

Tandis que pour ceux de l’ère secondaire, on s’envole plutôt au Cap Corse, en Valais ou plus près de nous à Maury. Pour le terroir suisse de Valais, la configuration en terrasses d’une partie de ce vignoble de la haute vallée du Rhône rappelle la si belle vallée du Douro, au Portugal. On y cultive à flanc de montagne et dans des secteurs escarpés, en tablars. Des vignobles en terrasses faits de murs en pierres sèches à flanc de rochers. D’ailleurs, les terres de schistes donnent souvent à ces territoires de très belles configurations naturelles. Et aux vins, une élégance sans pareil, à condition de savoir bien gérer le tannin, la maturité et de trouver le bon élevage.

En France, les vignobles de schistes sont surtout situés dans le Languedoc. Mais ne sont pas si répandus non plus. La différence se faisant avec les altitudes. D’abord le schiste, c’est quoi ? C’est une roche friable qui ressemble à de l’ardoise. Et Jean-Clause Bousquet d’ajouter qu’elle se débite en feuillets. Disons que visuellement, cela ressemble à des lames dont la couleur est de gris clair à sombre. Ainsi, parle-t-on des schistes gris de Collioure quand Maury se différencie par ses schistes noirs plus anciens.

Tous les schistes ne se ressemblent pas. Certains sont plus ou moins vieux. Enfin un sol de schistes ne donne de bons vins qu’à condition d’être sec. Et ce sont des situations non seulement liées au climat mais aussi, à la composition du sous-sol. Car si ce dernier ne retient pas l’eau, la vigne va devoir s’étirer, en période chaude, pour aller s’hydrater. Le sol doit donc être drainant.

Cela la rend plus fragile mais valorise la qualité du fruit. Et, l’eau ne doit pas être retenue par des couches argileuses, d‘où cette association assez courante du grès et du schiste sur les meilleurs terroirs. L’exacte incarnation en est le terroir de l’appellation Saint-Chinian Berlou que complète à l’est l’AOP Saint-Chinian Roquebrun dont les cépages grenache et syrah sont l’épine dorsale. 

Ainsi les schistes de Saint-Chinian et de Faugères sont proches mais d’un âge différent. On trouve aussi du schiste sur le terroir de Fitou, au sud de Villeneuve-les-Corbières. Les terroirs de Collioure et de Banyuls sont schisteux pareillement qu’à Faugères quoique leurs configurations diffèrent. Quand les premiers ont vue sur la mer, les seconds sont en altitude. Et puis, le schiste est aussi sous les ceps de vignobles du Priorat en Espagne. Alors des schistes aussi solaires donneront des vins aux expressions différentes de ceux d’Alsace ou d’Anjou, par ex.

Encore que sur la dégustation, les blancs ont donné des commentaires plus homogènes que les rouges. Sur les blancs, le terroir ressortirait donc plus fortement. Dégustation comparable que celle des domaines Pieretti au Cap Corse et de celui, plus provençal du domaine de Réal. Deux vins à base du cépage vermentino et sur schistes, vinifiés par le même vigneron et se faisant face de part et d’autre de la Méditerranée.

Ensuite, le cépage intervient. Un terroir de schistes de l’Anjou, affublé de chenin n’aura pas la même caractéristique qu’un Faugères. Cela d’autant qu’à Faugères, les cépages marsanne, roussanne, grenache blanc ou vermentino s’associent à la minéralité des vins. Mais quand même les blancs de terroirs de schistes se démarquent et se remarquent par des similitudes.

Un rapprochement peut être fait avec le vignoble de Seyssuel, près de Vienne, tout au nord du Rhône septentrional où se cultivent majoritairement la marsanne, pour les blancs ; et la syrah, pour les rouges. Cette richesse du schiste, les vignerons Pierre Gaillard, Yves Cuilleron et François Villard l’ont comprise à Seyssuel. Ces producteurs du cru saint-joseph – entre autres – la comparent au terroir de la Côte brune d’Ampuis en Côte-Rôtie.

Sur la dégustation de 20 vins de schistes de terroirs français et internationaux, quelques remarques. En rouge ou blanc, les finales donnent de beaux équilibres d’amertumes. Avec sur les blancs, des notes salines. Sur l’Alsace, les arômes se rapprochent davantage des notes empyreumatiques  parfois presque métalliques. Souvent les vins blancs de schistes sont en tension, élégants et fins. Sur la minéralité.

Enfin les rouges sont marqués par une belle fraîcheur, avec des forces tanniques variées. Beaucoup d’arômes mentholé, fumé, épicé, truffé dénotent cette complexité des rouges sur schistes. L’unité de style est moins marquante que sur les blancs. Reste que la patte du vigneron, le cépage, la vinification et les élevages ont encore beaucoup à dire. 

Christelle Zamora photo @BonBecBohème vignoble de la vallée du Douro, au Portugal.


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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