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Les Terrasses du Larzac en millésimes
Les Terrasses du Larzac
Choses bues - Vins

Les Terrasses du Larzac en millésimes

Les Terrasses du Larzac volet 2. Cinq autres domaines de l’AOC ont aligné 10 millésimes qui montrent que ces vins, références du Languedoc, traversent l’épreuve du temps en beauté. 

Pour rappel, ces vins se positionnent entre 15 et 30 euros. Plus de la moitié des surfaces de cette AOC sont en agriculture biologique. Et ceux qui n’y sont pas encore s’y préparent, ce qui porte à 80% les surfaces converties ou en cours de conversion. Dix domaines fameux ont pu réunir dix millésimes.

Pourquoi cela ? Afin de déterminer la capacité de garde des vins de l’appellation, car la garde est un des critères du grand vin.  Enfin, il s’agit d’en comparer les millésimes sur la décennie. Décryptage de 5 vins de domaines, à l’issue d’une dégustation de 100 vins. Pour ce blog, j’ai choisi 2 millésimes coups de coeur commentés pour chaque domaine.

Les Vignes Oubliées est un domaine phare – entendez qualitatif – de l’AOC Terrasses du Larzac, ce sont les vins de Jean-Baptiste Granier, installé à Saint-Jean-de-la-Blaquière. Le vignoble est situé à Saint-Privat à environ 350 mètres d’altitude.

La cuvée est dominée par le grenache (60%) complétée à parité par le carignan et la syrah. Le terroir est composé de grès et de schistes. Les vins sont élevés en fûts et demi-muids dans une cave naturelle depuis 2013. Les vins sur terroir de schistes ont une certaine élégance, qui se confirme dans ces vins. En bio, prix : 18,5€.

  1. Les Vignes Oubliées 2008. Les millésimes présentés allaient de 2007 à 2016. D’emblée le 2007 m’a bien plu mais, j’ai encore cligné de l’oeil sur le millésime qui a suivi le 2008. Les arômes tertiaires sont là (nez de fenouil, menthol, fruits des bois, feuille de sous bois séchée, de cigare), avec une texture en bouche très souple, élégante.  Cela signifie que ce vin tient bien la décennie, même si je le boirais dès à présent. 16/20
  2. Les Vignes Oubliées 2013 et 2016. Sur le millésime 2013, on est encore sur le fruit un peu plus mûr avec une belle ampleur en bouche, corsée avec de la matière et une finale légèrement vanillée qui suggère encore quelques années de garde. Le millésime 2016 est tout aussi marquant par son équilibre, son onctuosité. Cette fois, la bouche est épicée, souple et soyeuse. Jeune, ce millésime est très prometteur. Il prendra de l’âge sans se rider. 2013 : 15/20 et 2016 : 17/20

Mas Cal Demoura est un excellent domaine de l’appellation. D’abord par son histoire, il a été créé par le père d’Olivier Jullien en 1970. Depuis 2003, l’exploitation a été reprise par Isabelle et Vincent Goumard, un duo d’oenologues. Ils ont racheté au Mas Jullien la très belle parcelle de la cuvées Les Cambriolles que nous avons dégustée. On ne peut être qu’admiratif.

Ces vins affichent, à mon sens, une constance de style rare. Ce sont des vins d’équilibre et de concentration. La fraîcheur est là, sans doute portée par les vents du Nord qui soufflent sur la parcelle de 2 ha de cailloutis, la vinification parcellaire, les rendements drastiques (23hl/ha). L’élevage soigné porte les vins aux nues. Le tout est en bio. Prix : 26€. 

  1. Cuvée Les Combariolles 2014 dégage beaucoup de classe et de fraîcheur avec un côté plus corsé en bouche très séduisant. Ce millésime correspond à l’introduction des foudres dans les élevages, il a une certaine sérénité. 18/20
  2. Cuvée Les Cambrioles 2012 est un vin avec du corps, un nez fruité noir, de réglisse et beaucoup de fraîcheur. En bouche, il est très gourmand, suave avec un touche d’épices. Sa texture évoque la soie, le raffinement. Avec le millésime qui le précède, ce sont des vins de gourmandise (pour amateur éclairé) qui vont à coup sûr traverser le temps avec brio. 18,5/20

Le domaine de La réserve d’O de Marie et Frédéric Chauffray se situe à Arboras, on sait de source sûre que Frédéric est musicien-vigneron quand Marie cultive un dynamisme peu commun. Le domaine est travaillé en biodynamie. C’est un domaine qui se trouve des modèles pour avancer dans le bon sens.

À commencer par le choix de préserver la biodiversité à 400 mètres d’altitude. Toutes les parcelles sont trentenaires et les vins assemblés de syrah (45%) et de grenache à l’équilibre avec une touche de cinsault (10%). Les rendements témoignent d’une viticulture sélect, 25 hl/ha. L’élevage est de 24 mois et sans bois. Des vins bio et certifiés Demeter (Biodynamie). Prix : 14,40€.

  1. Cuvée La Réserve d’O 2009 a remporté la victoire parmi les 4 premiers millésimes dégustés (2005, 2006, 2008), le 2005 était beau pour son âge. Mais dans le 2009, la concentration était plus présente avec un nez de fruit rouge, de réglisse, de genièvre et de sous-bois. À boire sur une souris d’agneau par ex. 16/20
  2. Cuvée La Réserve d’O 2013 m’a vraiment emballée avec son nez excellent de fruit rouge, d’iris, de violette et de garrigue. Un corps beau doté d’une belle rondeur dans la fleur de l’âge. La longueur en bouche plutôt prononcée est poivrée. Des vins à leur apogée au bout de 3 à 5 ans. S’il n’y a plus de 2013, optez pour le 2015 et même le 2016. 17/20

Le Mas du Haut-Buis est mené par le vigneron Olivier Jeantet qui travaille en bio depuis toujours et sous certification depuis 2010. Le domaine est le plus haut de l’appellation, installé sur le Causse du Larzac à 650 mètres d’altitude : les vignes sont situées dans les vallées de Pégairolles et de Lauroux. Alors ces vins sont singuliers, élevés dans des bois autrichiens pour la finesse.

C’est donc le terroir le plus frais et le plus arrosé de l’AOC. Le grenache (50%) domine le trio d’assemblage de carignan (45%) et de syrah (5%). Le premier millésime testé un 2005 cultive des notes de moka, de café torréfié et de cigare. Et les millésimes 2007 et 2008 sont bien conservés, avec de belles structures tanniques. En bio. 25€

  1. Cuvée Costa Caoude 2013 est pour moi le millésime le plus beau, ce vin est très réussi. un nez toasté, légèrement animal, fumé avec une touche de menthol. La bouche est sur l’équilibre, structurée et gagne en finesse sur son caractère. Encore jeune, il peut se conserver entre 3 et 5 ans.  17/20
  2. Cuvée Costa Caoude 2010 cultive un bel équilibre. Il y a du degré dans ces vins et de la complexité. Ce sont des vins plus difficiles sur leur jeunesse mais dont la structure tannique promet de belles gardes. C’est ce qu’on peut nommer un vin racé. 16/20

Domaine La Pèira ne cache pas sa différence. On ne cachera pas que celui-là est un vin à polémique. Pourquoi ? Le domaine languedocien de 15,3 hectares est né en 2004, il est la propriété de Rob Dougan, un compositeur de musique connu pour sa contribution à la BO du film Matrix (1999).

Et alors ? Le domaine a reçu des notes aussi exubérantes que sa corpulence, de la critique américaine qui l’a beaucoup encensé. On ne peut pas dire que ce vin s’inscrit dans la lignée de ce qui se fait aujourd’hui dans l’appellation Terrasses du Larzac. Pourtant syrah (50%) et grenache dominent (40%) avec une touche de mourvèdre (10%) l’assemblage.

Un contre exemple de l’AOC Terrasses du Larzac ? Pas faux. Alors, les plus vieux millésimes sont l’exemple du vin « bodybuildé » d’une époque plutôt révolue mais caractéristique des vins dédiés à des marchés d’export ciblés dans certaines décennies.

Entendez que l’élevage bois est assez marqué, ce qui peut donner des vins trop extraits.  Depuis 2014, la vinification a été prise en mains par Audrey Bonnet. Depuis 2015, cette oenologie a commencé à affiner le profil de ces vins au caractère bien trempé, plus explosifs qu’élégants. Prix : 64€.

  1. Cuvées La Peira 2015 et 2016. Et bien les millésimes montrent des qualités de garde mais toujours assez marqués par le bois et l’extraction. Sur les millésimes 2015 et 2016, les choses s’améliorent avec un élevage sous bois plus maitrisé. Il faudra les boire dans quelques années, concluons dans 7 ou 8 ans voire plus pour ceux qui aiment ce style. 12,5/20  

Christelle Zamora


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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