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Lafond Roc Epine : du bio, du beau, du bon
Domaine Lafond Roc Epine
Choses bues - Vins

Lafond Roc Epine : du bio, du beau, du bon

À Tavel, dans le midi de la France, le domaine Lafond Roc Epine cultive un certain art du vin. Car le domaine est resté familial. Et les vignobles de Tavel, Lirac et Châteauneuf-du-Pape sont conduits en Agriculture Biologique. C’est dire son implication environnementale. 

Depuis ce jour de 1780 où Pascal Odoyer, le grand-oncle de Jean-Pierre Lafond, est devenu gouverneur de Tavel, le domaine Lafond Roc Epine n’a plus quitté la famille. En témoignent les deux fils, actuellement en formation en oenologie, pour assurer la relève d’ici quelques années. Et fait remarquable, le domaine s’est engagé dans une reconversion en Agriculture Biologique dès 2009. Aussi, depuis 2012 a-t-il décroché le fameux label pour ses quatre-vingt-cinq hectares de vignoble.

Lorsque le père de Jean-Pierre Lafond a créé le domaine en 1970, la propriété ne produisait alors que du Tavel. Faut-il rappeler que Tavel est la plus ancienne et l’une des rares appellations 100% rosé de France. Jean-Pierre Lafond se souvient :

« Avant les années 70, les anciens avaient développé les vins à l’export grâce à la mise en bouteille. Puis avec la crise du pétrole en 1973, nous avons développé la vente à la propriété. Et enfin, notre premier millésime en bio a été commercialisé en 2012. Nous certifions aujourd’hui 350 000 cols par an. Seulement 15% de la production part à l’export, le reste de la production est écoulé sur le marché français. »

Quant au rosé AOC Tavel du domaine, il est aujourd’hui toujours composé de grenache et de syrah mais au fil des ans, la proportion de syrah a augmenté. Deux cuvées de rosé sont produites dont une première expressive et, une micro-cuvée baptisée Esprit de Roc Epine très soignée. Un passage en fût donne à cette dernière son élégance. Il ne s’en produit que 1000 cols contre 150 000 pour la cuvée classique du domaine. Ces rosés sont plutôt des rosés de repas, ronds et généreux. Ils sont représentatifs de l’AOC Tavel qui produit des rosés de saignées à la couleur soutenue.

 

Le domaine Roc Epine produit aussi une jolie cuvée de blanc en AOC Lirac. Et le millésime 2016 chahute les papilles. Composée de grenache blanc (60%), de roussane (30%) et de viognier (20%), cette cuvée de Lirac blanc est très parfumée. Outre son nez d’agrumes et d’abricot, elle a une jolie amertume en bouche. Il peut se consommer en début de repas ou en fin de repas sur du fromage de chèvre affiné. Cette cuvée-là est à dénicher chez votre caviste uniquement. Questionné sur ce blanc, Jean-Pierre Lafond, estime que :

« Nous ne vendangeons que lorsque la roussanne est rousse, à maturité, c’est le secret de nos vins. Et grâce au sol de galets sablonneux, ce blanc exprime autant de vivacité que de parfums. »  

Comme l’appellation Lirac est entre deux crus d’exceptions que sont châteauneuf-du-Pape et tavel, elle est souvent oubliée. Pourtant, elle a déjà 70 ans. Et c’est un cru de la vallée du Rhône méridionale. On compte une soixantaine de caves en Lirac. Mais celles-ci produisent souvent les trois appellations ce qui explique que le succès des autres empêche celle-ci de se faire remarquer. Ces vins sont à moins de 10 euros, qu’on se le dise.

Sur le Lirac rouge, le grenache laisse bien s’exprimer la syrah, c’est là son moindre défaut. La dégustation de la cuvée La Ferme Romaine 2013 en AOC Lirac toujours, est une découverte. La cuvée se compose de vieux grenaches, issus de terroirs sablonneux et de petits galets. Ce vin n’est pas bouffon pour un sou. On a aimé les arômes d’épices, de garrigue et de pain grillé de cette petite perle élevée en barrique pour la moitié de l’assemblage. Cette cuvée ne voit le jour que les bonnes années, on oubli donc le millésime 2014 dans l’attente de découvrir le 2015. 

Bien sûr le châteauneuf-du-pape du domaine est racé. Il est représentatif du terroir de calcaire du Pradel. Et avec sa souplesse en bouche, ce vin a déjà beaucoup d’admirateurs. Seulement, on le déguste mieux en hiver.

À propos du côte-du-rhône générique, l’entrée de gamme du domaine se remarque par sa buvabilité. Car ce vin sur le fruit correspond aux attentes du consomm’acteur actuel. Et pour cause, il est soigné avec des vendanges égrappées. Ces raisins murissent sur des sols de calcaires et de galets roulés sur deux parcelles distinctes. Alors, on l’imagine très bien à boire cet été sur des côtes d’agneau grillées. Voilà qui file une p’tite claque aux idées reçues. Car si le domaine Lafond Roc Epine peut paraître classique, il sait aussi produire des vins dans le mouv’ !

Christelle Zamora, photos ©BonBecBohème et @DR


Christelle Zamora est une journaliste indépendante spécialisée dans le vin, la gastronomie et le tourisme. Elle a une formation de juriste en droit de la vigne et du vin, a suivi les cours du Wine and Spirit Education Trust (WSET), level 2 et 3. Impliquée dans la presse écrite de 1999 à ce jour, elle a co-écrit le Hors Série "1907-2007, un siècle rouge ardent" sur l'histoire du Midi rouge, période de fronde des vignerons languedociens et l'avancée de la mondialisation à compter des années 2000, pour Midi Libre. Pour ce titre, elle a intégré la rédaction des magazines pour 3 ans puis a été l'auteur d'un guide culturel. Parmi les artistes de la Bible de l'art singulier, éditions Livre d'Art en 2010. Elle a écrit plusieurs ouvrages dont "Limoux, vignoble d'histoire et de légendes" aux éditions Privat (nov. 2018), "Le vin en 365 jours" aux éditions PlayBac (oct. 2019), Le vin et la dégustation intuitive aux éditions Féret (nov. 2019).

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